Peu de temps après la fin de sa carrière d’attaquant, Youssouf Hadji (42 ans) a choisi de se former au métier d’entraîneur au Maroc. Il passe ainsi beaucoup de temps à l’Académie Mohammed VI, le «Clairefontaine» du foot marocain inauguré en 2019, là où plusieurs joueurs actuels de l’équipe nationale ont fait leurs gammes.
«C’est un complexe extraordinaire», raconte le deuxième meilleur buteur de l’histoire de l’ASNL, derrière un certain Michel Platini. «Je ne sais pas s’il existe des installations de meilleure qualité dans le monde entier. La qualification historique du Maroc pour les demi-finales de la Coupe du monde récompense le travail de fond réalisé ici depuis quelques années. En Afrique en général, et au Maroc en particulier, les gens veulent des résultats dès le lendemain quand ils mettent les moyens. Mais ça ne marche pas comme ça dans le football. Il faut un peu de temps, pour que le travail porte ses fruits et c’est justement ce qu’on est en train de vivre avec le parcours fabuleux de l’équipe nationale au Qatar»
Youssouf Hadji, petit frère de Mustapha, Ballon d’Or Africain 1998 , se pince pour y croire: «C’est fou, je dois recevoir plus de 40 demandes d’interview par jour depuis la victoire face au Portugal» Il ne répond pas à toutes les sollicitations, bien sûr, mais il le fait pour nous aujourd’hui.
Youssouf, tout d’abord, quelle est l’ambiance au Maroc, avec cette épopée des Lions de l’Atlas?
C’est l’euphorie! Les Marocains sont tellement fiers de l’équipe… Le Maroc est un vrai pays de football, avec un côté excessif. Quand ça perd, ça peut critiquer fort mais, quand ça gagne, ça donne une joie assez dingue. Après chaque match de la sélection dans cette Coupe du monde , les routes du pays sont bloquées tellement il y a de supporters dans la rue pour faire la fête.
«Walid Regragui, je le compare un peu à Didier Deschamps»
Comment expliquez-vous ces résultats étonnants de la sélection marocaine au Qatar?
C’était évidemment difficile de prévoir ça avant le début de la compétition mais, sincèrement, je sentais l’équipe nationale capable de faire un bon parcours. J’en avais parlé avec le sélectionneur Walid (Regragui) , on se connaît bien, on s’apprécie. Walid m’avait confié ses espoirs avant le début du tournoi, il était déjà conscient du potentiel de l’équipe. Il a vite réussi à créer un état d’esprit qui permet de renverser des montagnes. On l’a vu dès son premier match, victoire 2-0 face au Chili. Walid Regragui, je le compare un peu à Didier Deschamps. Partout où il passe, il gagne. Il sait tirer le maximum de ses joueurs.
Le Maroc, c’est d’abord une équipe d’une solidité défensive impressionnante…
En effet. Il y a une telle force collective dans cette équipe que c’est extrêmement compliqué de lui marquer un but. On n’a encaissé qu’un but depuis le début de la Coupe du monde et c’est un «csc»! Cela veut dire beaucoup de choses, à mes yeux. Mais ce n’est pas tout. Les Marocains ont aussi de la qualité avec le ballon. On fait partie des quatre meilleures équipes du monde aujourd’hui!
Croyez-vous aux chances du Maroc face aux Bleus?
Cette équipe est prête à mourir sur le terrain pour son pays et pour son entraîneur. Au Qatar, le Maroc joue aussi à domicile. J’étais sur place pour la victoire face à la Belgique, c’était magnifique. Tout le continent africain est derrière nous, tout le monde arabe également et même plus quand on voit que des personnalités comme Elon Musk qui parlent du Maroc. Des joueurs de NBA ou des rappeurs américains portent aussi le maillot de la sélection. Alors oui, dans ce contexte, on peut rêver d’un nouvel exploit. Mais on sait très bien que ça s’annonce très compliqué, parce que la France a une grande équipe et que le Maroc sera malheureusement amoindri. Beaucoup de joueurs sont sur une jambe après être allés au bout d’eux-mêmes les matches précédents. J’imagine deux scénarios possibles pour cette demi-finale. Soit le Maroc trouve les ressources pour créer une nouvelle surprise monumentale, soit il y a le risque d’exploser et de perdre sur un score assez large. Cela va être un grand moment à vivre, en tout cas. J’adore cette équipe, je kifferais d’être encore joueur et d’en faire partie!