Zapping Foot National Entretien - Les dessous du football amateur, avec Romain Molina
Youssouf, que deviens-tudepuis ta retraite sportive il y a quatre ans?
Deux ans après ma carrière, je suis rentré au Maroc. Je suis venu vivre un peu au soleil, parce que j’ai fait toute ma vie en France, avec un climat un peu froid on va dire (rires). Donc on est venu ici profiter et prendre des couleurs en famille (sourire).
Tu as également eu l’occasion de passer un cursus d’entraîneur au Maroc depuis. Comment ça se passe et où en es-tu?
Super! La Fédération nous a mis dans de superbes conditions. On a une promotion d’anciens joueurs avec des noms qui ont fait le bonheur de l’équipe nationale du Maroc, comme Noureddine Naybet, Salaheddine Bassir ou Marouane Chamakh par exemple. On était entre nous, ça s’est super bien passé et ça m’a vraiment plu. On a validé la formation CAF B, et j’ai eu la chance de terminer major de promotion. Ça montre vraiment que j’ai apprécié.
Et aujourd’hui, tu as des pistes pour intégrer un staff?
J’ai failli revenir à Nancy l’hiver dernier! Mais au dernier moment, ça n’a pas pu se faire. J’ai eu quelques touches, quelques pistes mais malheureusement, au dernier moment, ça a capoté. C’est comme ça, je reste patient. D’autant plus que je dois faire un minimum de six mois de pratique pour pouvoir passer mon CAF A. Avec ce diplôme, je peux devenir entraîneur principal.
"Avec Pablo c'était : je vous donne les clés, mais rendez-moi la confiance sur le terrain"
Youssouf Hadjo et Pablo Correa avec le trophée de champion de Ligue 2, en 2016Credit Photo - Icon Sport
D’où te vient cette envie de devenir coach? Tu l’as toujours voulu?
Ce n’était pas vraiment mon objectif, mais c’est arrivé à partir du moment où l’on m’a donné le brassard de capitaine à Nancy et que je devais gérer tout ce qui était sur et en dehors du terrain. J’étais un peu le relais entre le coach, les dirigeants et les joueurs. Au fur et à mesure des années, il y a un sens des responsabilités qui s’installe. J’ai commencé à aimer tout ça, et ça fonctionnait plutôt bien surtout! J’arrivais à régler des choses. Je pense que c’est venu naturellement et j’ai ressenti l’envie de le faire. Mais il me fallait quand même un an ou deux de repos après ma carrière, en ne pensant qu’à la famille, prendre du bon temps avec. Et après seulement, commencer. C’est pour ça que l’année dernière, je me suis lancé dans tout ça.
Tu as côtoyé plusieurs coachs durant ta carrière. Un en particulier t’a donné ce goût d’entraîner?
J’ai eu Pablo Correa, qui avait cette relation avec moi et d’autres joueurs. J’ai aimé la relation de confiance qu’il a pu instaurer. C’était: «Je vous donne les clés, mais rendez-moi la confiance sur le terrain.» Il y a aussi un entraîneur qui m’a fait aimer la tactique: Frédéric Antonetti. J’ai eu quelques noms en tant qu’entraîneur mais lui, c’est celui qui m’a le plus impressionné tactiquement. D’autres ont fait de belles choses mais plus sur la gestion de l’homme et du joueur. Alors qu’Antonetti, c’était la gestion plus la tactique. Je suis arrivé à 32 ans avec lui (à Rennes lors de la saison 2011-2012, ndlr), il a continué à me faire progresser malgré mon âge avancé.
Tu as un moment marquant avec lui?
Ce qui m’avait marqué, c’est le fait de corriger nos déplacements sur le terrain. Moi personnellement, il m’avait préparé une séance vidéo avec tous mes déplacements et mes appels et comment il fallait les corriger, sur quel appel insister, etc … Sur le terrain, j’ai appliqué ses consignes et ça s’est avéré beaucoup plus efficace, j’ai marqué plus de buts. J’ai plus marqué après mes 30 ans qu’avant mes 30 ans (sourire). Il avait cette force de rendre très bon un joueur. Ça avait été le cas avec Julien Féret, et d’autres. C’est vraiment un truc qui m’avait impressionné chez lui.
"Un retour à Nancy ? Je n'y pense pas"
Youssouf HadjiCredit Photo - Icon Sport
Tu racontais tout à l’heure que tu avais failli intégrer le staff de l’ASNL en début d’année … pourquoi ça ne s’est pas fait?
C’était plus une histoire de timing en fait. Ça ne s’est malheureusement pas fait, mais je pense que j’aurai pu apporter et aider. C’est comme ça, on avance. Mais je suis toujours à suivre les résultats de l’AS Nancy Lorraine chaque week-end.
Qu’aurais-tu pensé apporter?
J’ai déjà été dans ces cas-là, où l’on était vraiment en difficulté et où l’on jouait notre survie. On l’a fait en Ligue 1, on l’a fait en Ligue 2. On savait que nous étions de bons joueurs mais c’était plus cette cohésion que l’on a su créer qui nous a sauvé. Quand on était dans une difficulté, ça passait souvent par de la communication. Il y avait des remises en question. Et c’est plus avec l’expérience que j’ai pu avoir que j’aurais pu aider. C’est ce que je pense. Après, c’est autre chose d’être sur le terrain.
Un retour vers Nancy un jour, ça veut dire que tu y songes?
Pourquoi pas! Mais sincèrement aujourd’hui, je n’y pense pas. Même le jour où ça a failli se faire cet hiver. Ça a été du jour au lendemain un appel. Je n’y étais pas préparé, il fallait laisser le temps de réfléchir. Mais sincèrement je n’y pense pas. Je pense plus à me préparer, à entraîner et prendre de l’expérience. Et le jour où je serai prêt, si ça peut se faire, tant mieux. Je ne dirai pas non, parce que je ne pourrais jamais dire non à Nancy. Mais avant d’imaginer tout ça, l’idée est de se sentir prêt et surtout compétent.
Tu as donc vécu plusieurs passages à Nancy. Ta formation jusqu’à tes débuts pros (1998-2003), un second avec notamment une quatrième place en Ligue 1 (2007-2011) puis un troisième durant lequel tu as pris ta retraite (2014-2018). Que représentent Nancy et l’ASNL pour toi ?
Je n’aurais jamais pensé suivre le championnat de National (rires). Pour te dire, je regarde tous les matchs de l’ASNL. Nancy, c’est en moi, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse. Même si ça descend en National 2, je suivrai toujours Nancy. C’est le club où j’ai fait ma formation, où j’ai signé professionnel, j’en suis parti, je suis revenu, j’ai terminé ma carrière là-bas, … J’ai des amis qui sont encore là-bas, dont Jamal Alioui qui est entraîneur adjoint d’Albert Cartier et qui est comme un frère. Il y a encore Gennaro Bracigliano, Gaston Curbelo, Benoît Pedretti, Nicolas Florentin, … Ça reste Nancy, mon club. Je suis supporter de l’ASNL en fait.
"Les supporters représentent tout pour moi"
Youssouf HadjiCredit Photo - Icon Sport
En tant que supporter, comment as-tu vécu les dernières années vécues par l’ASNL, avec le changement de propriétaire, ceux des coachs, la relégation historique en N1, etc … ?
Mal, comme tout supporter. Comme tout amoureux du club. J’ai lutté en tant que joueur pour éviter tout ça. On était parvenu à le faire, dans des conditions difficiles. Puis le président Jacques Rousselot a vendu. À un moment, ça parlait de Ligue des champions. On s’est dit «Wow, il peut se passer quelque chose en fait!». On commençait à viser haut. Mais au contraire, ça a été de pire en pire. On a tous mal vécu cette descente. Aujourd’hui nous y sommes, et la seule chose qui compte c’est de se battre pour remontrer.
Trois victoires, deux nuls, deux défaites, … Comment juge-tu le début de saison après 7 journées?
Les premiers matchs, je me suis dit … Olalala, ça va être une galère! Et là sincèrement … Il manquait quelques joueurs. D’avoir recruté Thomas Robinet au dernier moment, que je trouve très bon, c’est un joli coup. Il nous manquait ce genre de profil. Pied droit, pied gauche, il peut frapper de n’importe où, … Il y a le petit Younès El-Aynaoui au milieu de terrain, Lenn Nangis qui marque des buts, Diafra Sakho qui commence à marquer aussi, … Ça commence à devenir sérieux. Il y a une série en cours et on va faire un match plus qu’intéressant à Versailles (vendredi dernier, 2-2). Versailles qui est un sérieux candidat à la montée et qui a mis les moyens pour. Je pense qu’avec moins de maladresses, on peut revenir de Versailles avec les trois points. Mais ça commence à devenir très cohérent en tout cas.
Plutôt optimistedonc?
Oui, sincèrement. Si tu m’appelles après les deux premiers matchs, je n’ai pas le même discours. Après, le chemin est très long. Mais ça a vraiment été rassurant. Ils ont rassuré les supporters. Et quand tu as les supporters de l’ASNL avec toi, c’est que tu leur fais plaisir. C’est vraiment le douzième homme. Et là les joueurs ont pu le voir. Certains ont découvert un peu ça. Quand tu regardes Marcel-Picot, c’est un stade de Ligue 1. Donc je suis plutôt optimiste, oui!
Tu parles des supporters, de ce que représentait Nancy pour toi … mais es-tu également conscient de ce que tu représentes à Nancy?
Je suis resté longtemps à Nancy, je sais qu’on m’aime plutôt bien. Mais je ne sais pas si les supporters m’aiment plus que moi je ne les aime … tu vois ce que je veux dire(rires)? Parce qu’ils représentent tout pour moi aussi. Comme je disais: j’ai été supporter avant, j’ai été joueur ensuite et aujourd’hui, je suis redevenu supporter de l’ASNL.
Au-delà de l’ASNL, tu as également été international marocain (64 sélections, 16 buts). Comment vois-tu les choses pour les Lions de l’Atlas à quelques semaines de la Coupe du monde?
Il y a eu un changement radicalde gestion de l’effectif, parce qu’on a un sélectionneur (Walid Regragui) complètement différent de celui qu’on a eu précédemment (Vahid Halilhodžic). Walid a fait des choses exceptionnelles depuis qu’il est entraîneur. Si aujourd’hui la Fédération l’a choisi, c’est qu’elle sait très bien ce qu’il peut apporter. Il l’a prouvé sur la trêve internationale, en ramenant du sang frais. Contre le Chili vendredi (victoire 2-0), on a vu un nouveau Maroc, avec un visage complètement différent. On avait plutôt l’habitude de voir un Maroc regroupé et tendu jouer avec le frein à main. Maintenant le plus dur, c’est de confirmer. On a une Coupe du monde qui arrive (le Maroc affrontera la Croatie, la Belgique puis le Canada), mais j’ai complètement confiance en Walid parce que c’est quelqu’un qui joue pour la gagne, et qui parvient à transmettre ça à ses joueurs. C’est bien d’avoir des entraîneurs comme ça. Je te parlais de Jamal Alioui à Nancy tout à l’heure. C’est la même chose. C’est cette nouvelle génération d’entraîneurs dont on a besoin.
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Pour résumer
Loin des yeux, près du cœur. Retraité depuis 2018 et son troisième passage sous la tunique de l’AS Nancy Lorraine, Youssouf Hadji (42 ans) n’en reste pas moins attentif à la situation de son club de cœur. Passé dans la peau de supporter après celle de joueur, celui qui vit désormais au Maroc aurait même pu revenir sur le devant de la Place Stanislas il y a quelques mois ! Son actualité, les derniers soubresauts des Rouge et Blanc ou leur début de saison en National … le deuxième meilleur buteur de l’histoire de l’ASNL se confie pour Foot-National ! Entretien.
Rédacteur
Florian Sermaise